[ARTS SPECTACLES]

FESTIVAL D'ÉT?QUÉBEC

Parfums d'Orient
Liu Fang et Farhan Sabbaph, un délicieux croisement Chine-Syrie

PIERRE-PAUL NOREAU

Le Soleil, DI 14 JULLIET 2000

QUEBEC - Pipa et oud, ces instruments sont très anciens et leur mariage improbable en raison des origines différentes et de l'absence de compositions les mettant en vedette. Mais ce n'est plus le cas avec la rencontre des solistes Liu Fang et Farhan Sabbagh qui depuis l'an dernier font communier les vieux mondes de Chine et de Syrie.

Liu Fang joue du pipaDe la délicate poésie lyrique aux violents et dramatiques récits militaires, les musiciens ont offert hier aux festivaliers de place D'YouviUe une remontée dans le temps et un voyage ?travers des parfums d'Orient tantôt subtils, tantôt emplissant le lieu de riches effluves.

Liu Fang a particulièrement touch?les festivaliers avec ses deux solos au pipa, un luth ?quatre cordes dont la caisse a la forme d'une poire et dont le manche court et courb?couvre presque toute l'instrument et compte 30 frottes, permettant ainsi un large registre.

Grattant et pinçant les cordes de ses cinq doigts qui portent chacun un plectre, la Montréalaise d'origine chinoise obtient des effets qui peuvent passer de l'aérien au foudroyant. Tout particulièrement dans la pièce Embûche écrite 200 ans avant Jésus-Christ et qui raconte la tragédie survenue lors d'une grande bataille, elle a surpris avec des effets démontrant que les compositeurs contemporains sont loin d'avoir tout invent? L'interprète classique a déploy?un jeu ?faire pâlir plusieurs guitaristes rock par sa vigueur, sa rapidit?et ses effets. Les paysages sonores se sont succéd? faisant vivre les phases de la confrontation jusqu'?la déroute, dernier passage qui aurait facilement pu être écrit par un compositeur de musique actuelle.

La fusion des instruments arabes et chinois a par ailleurs sembl?des plus naturelles. C'est plus ou moins étonnant puisque le oud au manche nacr? de Flarhan Sabbagh appartient lui aussi ?la grande famille des luths. Sa sonorit?a sembl?cependant plus ronde et plus sobre que celle du pipa. Ce dernier est quant ?lui jou?avec de fréquents effets de trémolos qui roulent comme autant de vaguelettes, un effet typique de la musique chinoise. Avec la pièce Homs écrite en l'honneur de la ville qui l'a vu naître, le musicien syrien aujourd'hui install??Berlin a par ailleurs fait la preuve que ces instruments ont toujours leur actualit? produisant des ambiances exotiques très particulières.

Farham Sabbagh a aussi offert ?la foule un remarquable solo de riqq, un tambourin qu'il a soumis ?de multiples rythmiques, en tirant de très différents effets.

A noter que lors de certaines pièces hier, les deux vedettes se sont produites en compagnie du percussionniste montréalais Patrick Graham, un membre du projet Ramasutra dirig? par Ramachandra Borcar, alias DJ Ram.

CHOC ENRICHISSANT

«Ces rencontres sont fantastiques, indiquait pour sa part la musicienne montréalaise ?l'occasion d'une courte entrevue hier matin. Ce sont des occasions de faire avancer la musique par les croisements et par l'exploration. ?/P>

Liu Eang, qui a reçu une formation classique en Chine au pipa et au zheng, autre instrument ancien cette fois de la famille des cithares, se sent la responsabilit?de continuer ?faire vivre la musique ancienne de son pays.

?La Chine a une très longue histoire et la musique est un concentr?de ce qui se transmet de génération en génération ? fait-elle valoir avec l'aide de son mari Risheng Wang qui maîtrise mieux qu'elle la langue de Shakespeare.

?Cet héritage précieux m'ayant ét? transmis, c'est maintenant ?moi de le faire connaître, puisqu'il faut bien le dire, de moins en moins de gens peuvent aujourd'hui jouer du pipa et donc interpréter la musique composée pour cet instrument. ?

Même si les prestations en plein air ne permettent pas le même recueillement, la jeune femme qui donne des récitals dans des salles de concert ?travers le monde, ne s'en formalise donc pas trop.

?Ils permettent ?beaucoup de gens de nous entendre et m'ont aussi donn? la chance pour la première fois, l'année dernière, lors de mon passage ?Québec, de faire de l'improvisation. J'ai partag?la scène avec Debbashish Bhattacharya (maître indien de la guitare slide) et ce fut une toute nouvelle expérience très excitante pour moi. ?/P>

Mme. Fang a renouvel?l'expérience avec ce dernier sur la scène du Festival d'ét?cette année et avait les yeux brillants ?l'idée de l'autre rendez-vous musical qui l'attendait...

Source: http://www.lesoleil.com/

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